Miss France #BalanceTonPorc

Princess Grenouille.jpg

Ce soir aura lieu l'un des concours les plus sexistes et body-shaming qui soit. Un de ces concours pendant lesquels on évalue le corps des femmes : leur bonnet, leur taille de pantalon, leur démarche, leur sourire fleurant bon le papier glacé, et surtout leur capacité à être des femmes objets bien dociles, pouvant rester des heures à côté d'autres produits pendant les 365 jours de leur mandat. Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, bonsoir et bienvenue à cette énième édition de l'Election de Miss France ! J'espère que vous avez l'estomac bien accroché, vous allez bouffer du sexisme à toutes les sauces, en veux-tu, en voilà ! 

Ce concours vieux comme la IIIème République impose une vision uniforme de la beauté définie par des critères bien précis. En gros, si tu as plus de 26 ans, mesures moins d'1,70 cm, fais plus d'une taille 38, es en couple, tatouée/piercée, oublie ! Si tu as les cheveux crépus, on est cool, on a la solution pour toi : le brushing ! Tente quand même ta chance. On ne sait jamais. La comparaison avec le Salon de l'Agriculture, communément appelée la foire aux bestiaux passe crème, tu nous le concèderas. 

Ne soyons pas trop durs, s'il y a bien quelque chose qu'on ne peut pas enlever au concours Miss France c'est sa capacité à se réinventer, à rester pertinent, bien dans son temps. Ainsi, ce soir, le scénario bien huilé et répété depuis 1920 va se reproduire avec une nouveauté de taille ! Pour la première fois, les Miss vont porter des robes ras la touffe. Waouh, grosse avancée sociale pour les femmes et Jean-Pierre, ton voisin pervers, qui attend cette soirée avec impatience chaque année ! Jean-Pierre, cette soirée, grand raout annuel du rinçage de l'œil, c'est aussi TA soirée !

On a bien ri (jaune). Passons aux choses sérieuses. Le 25 novembre dernier, c'était la Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. A cette occasion, Emmanuel Macron a tenu un discours au cours duquel il encourageait les actions visant à « mieux traquer, réguler les contenus inacceptables auxquels nos enfants ont parfois accès et qui construisent ces comportements », remerciant l'audiovisuel public pour son engagement et rappelant le rôle « indispensable » du CSA pour « réguler ces contenus partout sur notre audiovisuel et éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l'objet d'une forme de propagande tacite. »

Là on se dit, merde, c'est Jean-Pierre qui va encore gueuler, ils vont faire sauter Miss France ! Et, non, même pas ! Ça finit en queue de boudin à bras rompus sur le porno (comme s'il était un seul genre uniforme et indivisible), le grand méchant porno qui « a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l'alcool ou la drogue. » Oulala... Cachez-vous, bien à l'abri dans vos chaumières !

Nous ne pouvons pas d'un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l'autre, fermer les yeux sur l'influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d'humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes.
Emmanuel Macron

Au passage, applaudissons la belle synthèse des tags bukkake et gang bang. Nous n'en tirerons aucunes conclusions.

Revenons à nos moutons, euh... A notre concours Miss France. Quand un enfant tombe sur du porno, c'est déplorable, certes, mais il·elle sait qu'il s'agit de quelque chose réservé aux adultes, de licencieux. Qu'en est-il de ce concours qui, sous couvert de glamour, propose au grand public une vision des plus dégradantes de la femme ? Miss France c’est tout ce que les biens penseurs mal documentés reprochent à la pornographie, le tout : en prime time, maté/approuvé par Papa et Maman qui s'épancheront sur les hauts talons à coup de « tu sais, il faut souffrir pour être belle. »

Difficile alors de s’étonner de voir les gens banaliser le harcèlement ou l'agression envers les femmes puisque tout est fait dans les médias et de manière encore plus criante avec Miss France, pour montrer la femme comme un produit disponible et consentant à être torturée pour plaire. Pourquoi se réfréner si cette disponibilité n’est pas au rendez-vous dans le monde réel ? Pourquoi les hommes devraient se contenter d’un « non » quand on étale les femmes comme des produits de consommation à heure de grande écoute ?

Ce n’est évidemment pas les tentatives de rééquilibrage stupides proposées par Adopte Un Mec ou les publicités Coca-Cola Light qui répareront les torts. Toi aussi tu tapes du poing sur la table ? Là tout de suite, alerte le CSA en cliquant ici. Ça prend 3 minutes, note que tu es un particulier, tes prénom & nom, qu'il s'agit d'un « service de télévision », « Election de Miss France 2018 », « TF1 », le 16.12.2017 à 21:00, pour la raison « les droits des femmes » et tu peux ajouter un truc du genre « Cette émission est dégradante pour la condition des femmes. » Tu recevras un email pour confirmer ta saisine.

L'année prochaine, si besoin, on pourra s'y prendre un peu plus tôt et faire comme les Islandais qui se présentent en masse au concours pour engorger sa mécanique et dénoncer l’imposition de critères de beauté ringards et réducteurs. 

Miss France, cette année rends service aux femmes, prends ton courage à deux mains et #BalanceTonPorc !

Être « libérée » représente donc un impératif : et un impératif auquel il faut se conformer non pour le plaisir de la liberté, mais pour correspondre aux attentes des hommes.
Mona Chollet